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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/160

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eſt tout ſimple de vous abandonner un ſyſtême qui m’a très-bien ſervi, qui ne m’eſt plus bon à rien, & dont vous pouvez profiter à votre tour… Tandis que je m’étourdiſſois ſur mes peines, en écoutant ma mere, & qu’elle me prodiguoit des leçons pour l’avenir, Mademoiſelle des Salles ſollicitoit le conſentement du Comte, pour amener ma fille. Je m’impatientai ; Madame de Rozane s’offenſa de cette précaution ; mais il n’en fallut pas moins attendre. Heureuſement mon mari crut qu’il ne s’agiſſoit que de changer de Couvent, comme nous l’avions dit, & fit peu de difficulté ſur ce qu’on lui demandoit.

Deux jours après l’arrivée de ma fille ; nous nous mîmes en chemin pour le Périgord, malgré l’effroi que cette démarche inſpiroit à ma compagne de voyage.

Pendant la route, j’en enviſageai le terme, ſans diſtraction, avec une incroyable variété de mouvements. L’embarras du début, les reproches que j’eſſuyerois, la maniere dont je pourrois y répondre… l’eſpérance, la crainte, la joie, la douleur… les tranſports de l’amour, les révoltes de l’orgueil ſe croiſoient ſans ceſſe : il s’en faiſoit au dehors un ſingulier débordement… Ma converſation avoit tout le déſordre d’un véritable délire.