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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/168

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Sa froide politeſſe m’en impoſa tellement, que de tout ce jour, je n’oſai bazarder un mot qui eût trait au paſſé.

M’étant rendue chez lui le lendemain, je le trouvai ſi abattu, que je ne m’informai de ſa ſanté qu’avec crainte. Il éluda la queſtion, & me demanda, à ſon tour, comment j’avois paſſé la nuit. Pas bien, répondis-je ; eh, pourrois-je me livrer au repos, en voyant l’état déſolant où vous êtes, & ſur lequel vous paroiſſez d’une profonde indifférence ? Il eſt vrai, dit-il, que je m’en affecte peu, quoique je le connoiſſe très-bien : ce qui me fâche, eſt que vous vous ſoyez expoſée aux inquiétudes qu’il vous cauſe. Pourquoi êtes-vous venue ?… Votre mere a mal fait de vous conſeiller cette démarche. — Ma mere ! qui vous a dit que j’avois reçu d’elle ce conſeil ? Penſez-vous que j’euſſe beſoin d’en prendre de quelqu’autre que de mon cœur ? — Je penſe que vous êtes toujours la même, & qu’il ne tient pas à vous de m’abuſer encore… Votre cœur ! non, Madame, ce n’eſt pas lui qui vous a fait quitter la Bourgogne, pour venir en Périgord : c’eſt votre mere, j’en ſuis ſûr : elle vous aura dit que j’étois languiſſant ; qu’il ne convenoit pas de m’abandonner dans cette ſituation… Peut-être aura-t-elle ajouté que je regarderois ce voyage,