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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/167

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s’attroupoit. La conſternation étoit peinte, même ſur le viſage de ceux qu’une ſimple curioſité attiroit ſur mon chemin.

Je ne m’apperçus point que Rozane en eût fait la remarque ; mais ce qui ſuivit, me prouva qu’elle ne lui étoit pas échappée.

Dès que nous fûmes deſcendus, il fit appeller ceux qui compoſoient ſa maiſon, ſans en excepter aucun : voilà votre maîtreſſe, dit-il, en me prenant par la main : déſormais, ce ſera d’elle que vous recevrez des ordres. Tous parurent ſurpris, humiliés, & ſe retirerent en ſilence.

Généreux Rozane, m’écriai-je, quels nobles procédés vous me faites éprouver ! ils me pénetrent, me confondent d’autant plus que je m’y devois moins attendre. Quoi ! dit-il, vous êtes étonnée que je vous faſſe rendre ce qui vous eſt dû chez moi !… Madame, je me reſpecte ; ainſi je vous ferai reſpecter par tout ce qui ſera ſoumis à mon autorité.

Cette réponſe modéra l’enthouſiaſme de ma reconnoiſſance. Je rougis ; le Comte ne ſe fit point un amuſement de ma confuſion : il en abrégea la durée, en témoignant le deſir d’être ſeul pendant quelques heures.

Je fus ſervie, honorée publiquement en maîtreſſe de maiſon, & traitée en particulier, par mon mari, comme une étrangère.