Aller au contenu

Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 93 )

les mêmes variations. Tantôt abuſée par l’eſpérance, j’entretenois Rozane du plaiſir que nous aurions de vivre enſemble : tantôt plongée dans la déſolation, je lui jurois de mourir avec lui ; & ſes réponſes me prouvoient toujours, qu’il ne croyoit ni l’un, ni l’autre.

Après trois ſemaines de ces cruelles alternatives, il ſe ranima ſubitement, parut s’occuper avec plus d’intérêt de ce qui l’environnoit, montra un deſir plus empreſſé de nous retenir auprès de lui, ſa fille & moi… Ses propos, quoique voilés, étoient ceux d’un homme qui connoiſſoit le prix des inſtants, & n’en vouloit laiſſer perdre aucun.

Ce mieux ſe ſoutint juſqu’au déclin du ſoleil. Alors Rozane parla moins, & plus difficilement. D’un inſtant à l’autre, on voyoit redoubler la fatigue qu’il ſouffroit pour nous adreſſer quelques mots. Nous étions ſeules avec lui, Mademoiſelle des Salles, ma fille & moi. Il ſembloit que la crainte de partager ſon attention l’eût obligé d’exclure, ce jour-là, tout étranger.

L’heure de faire retirer l’enfant arriva : rien de plus ſimple, & rien qui parut affecter plus vivement ſon pere. Il ſe baiſſa vers elle pour l’embraſſer,… ſe retint, en frémiſſant,… preſſa une de ſes mains contre ſes levres,… la repouſſa doucement,