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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/23

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rompu mon récit ; je voyois les pleurs de Rozane couler à travers ſes doigts : c’étoit un ſpectacle raviſſant pour moi, un baume qui rafraîchiſſoit les plaies de mon cœur ; mais cette délicieuſe contemplation fut fuſpendue par un mouvement d’incertitude ſur le véritable objet de ces larmes. Etoit-ce ma ſœur ? Etoit-ce moi qui les faiſoit répandre ?… J’étois d’autant mieux fondée à douter, que, malgré l’importance des choſes, & le pathétique que j’y mettois, le Comte étoit toujours dans la même attitude, les yeux conſtamment attachés ſur le cahier, dont, à la vérité, il ne tournoit pas les feuillets.

Ce doute devint ſi tourmentant, que j’abrégeai mes détails, pour chercher à l’éclaircir. Mais comment entrer en matiere ?… Preſſée de me décider, je ne trouvai rien de mieux qu’une eſpece de tracaſſerie.

Les malheurs de Mademoiſelle d’Aulnai paroiſſent vous toucher infiniment, dis-je à Rozane, d’un ton de reproche. J’en conviens, répondit-il ; mais ils ne m’affectent pas excluſivement. Quand cela ſeroit, repris-je, il n’y auroit rien dont je duſſe être étonnée ; vous l’aimiez beaucoup, vous poſſédiez ſa confiance, & peut-être lui aviez-vous accordé la vôtre ? — Oui, Madame, c’étoit une douceur dont ſa ſituation nous