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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/34

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Il faut avoir de l’habitude dans le déſordre, pour l’enviſager de ſang froid. L’ivreſſe de nos ſens diſſipée, nous fûmes preſque également étonnés du pas que nous venions de franchir ; nous n’oſions nous regarder, ni rompre le ſilence que la confuſion nous impoſoit. Ma vivacité me fit ſortir la premiere de cet état : je ſuis perdue ! m’écriai-je, qu’avons-nous fait… Rozane ſe jetta une ſeconde fois à mes pieds, baiſſa la tête juſques ſur mes genoux, qu’il embraſſa d’un air ſuppliant. Je frémis de ce qui m’avoit cauſé une émotion ſi douce, quelques moments auparavant. Bon Dieu ! que voulez-vous donc encore ? demandai-je en me reculant avec une véritable terreur. Obtenir de vous mon pardon, répondit-il, avec timidité. Ne me fuyez pas… Ne me craignez plus ; je ſuis coupable, mais… Dites que nous le ſommes, interrompis-je : c’eſt moi qui me ſuis précipitée dans l’abyme… C’eſt à moi qu’il convient de gémir, de me cacher au centre de la terre. Pourquoi vous êtes-vous oppoſé à mes deſſeins ? Ma mort n’auroit été que l’ouvrage de ma douleur, elle doit être celui de ma honte & de mes regrets… A parler vrai, rien ne me paroiſſoit moins évident que cette néceſſité de mourir. Malgré ce que l’amour de Rozane me coûtoit, il me faiſoit goûter le plaiſir