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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/35

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d’être, & je n’étois pas aſſez Romaine, pour payer de ma vie les preuves que je lui avois données du mien.

La crainte des chagrins que mon imprudence pouvoir m’attirer, commençoit à ſe faire ſentir avec une toute autre force. La nuit s’étoit écoulée ſans que j’y euſſe fait attention… Les premiers rayons du jour me glacerent d’un tel effroi, que la préſence du Comte me devint auſſi terrible qu’elle m’avoit été délicieuſe. Il ne lui fut plus poſſible de ſe faire écouter ; mon trouble, mes inſtances le contraignirent de ſortir, pénétré de l’état violent où il me laiſſoit.

Dès qu’il fut retiré, une de mes femmes entra, ſans que je l’appellaſſe : c’étoit cette Marcelle qui m’avoit élevée, qu’un attachement d’habitude rendoit zélée à temps, & à contretemps. Inquiète de l’affliction où elle me ſuppoſoit, pour la mort de ma ſœur, & de ce que j’avois refuſé de prendre quelque nourriture le ſoir précédent, elle étoit reſtée dans mon anti-chambre, pour épier le moment de me faire ſes repréſentations. Ce ſoin déplacé l’avoit expoſée à être vue, & queſtionnée par le Baron. Revenu à deux heures, il avoit ſu de cette fille, que le Comte étoit chez moi ; la ſurpriſe, le mécontentement s’étoient laiſſé voir ſur ſon viſage… il avoit même fait quelques pas