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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/40

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demoiſelle d’Aulnai : j’en étois informée par ſa lettre, & ne craignois pas de commettre une indiſcrétion, en m’en entretenant avec lui… Peut-être j’aurois mieux fait de différer ; mais preſſée par ma douleur, & raſſurée par l’innocence de mes motifs, j’avois couru, en aveugle, au-devant de la conſolation qu’il pouvoit me procurer.

En aveugle ! répéta Murville, cela vous plaît à dire, je ne ſais rien de mieux vu. Quels pleurs par un amant ne ſont point eſſuyés ? — Un amant, Monſieur ! — Oui, Madame : pourquoi vous récrier à ce nom ? Voudriez-vous, par-là, me faire comprendre que Rozane a écouté vos lamentations, ſans exiger aucun dédommagement ? Ce ſeroit une merveilleuſe prud’hommie !… Enfin, je ne vous demande pas ce qui en eſt, mais je vous prie d’être perſuadée qu’il n’eſt pas facile de m’en faire accroire.

Les paroles de Murville étoient comme autant de fleches bien acérées, qui, ſans être mortelles, cauſoient des douleurs fort aiguës : je ne pus en ſoutenir la bleſſure, ſans fondre en larmes. N’êtes-vous point las de m’accabler, lui dis-je, vous reſteroit-il quelque choſe à ajouter aux propos offenſants que vous venez de me tenir ? — Oui, Madame, il me reſte à vous rappeller l’avis ſalutaire que je vous donnai hier au ſoir,