Aller au contenu

Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 36 )

qui vous mit dans une ſi belle fureur, & dont vous avez ſi promptement juſtifié l’utilité. Votre début annonce que vous iriez loin, ſi l’on vous laiſſoit aller ; mais comme il ne me ſeroit pas agréable de vous entendre citer entre les extravagantes qui divertiſſent le public à leurs dépens, je vous avertis que ſi vous donnez dans des démarches inconſidérées, vous me rencontrerez ſur votre chemin pour vous arrêter…

Il ſonna, ma confuſion devint extrême, en voyant rentrer mes femmes. Baignée de pleurs, dont il n’étoit pas difficile de deviner le ſujet, j’aurois voulu pouvoir me rendre inviſible, du moins me ménager le temps de ſécher mes yeux, de me remettre un peu avant que de m’expoſer aux obſervations… Murville s’amuſoit trop de mon embarras, pour ſouffrir que je le diminuaſſe : il me preſſa, il m’obligea de m’habiller ſans retardement, en m’annonçant qu’il viendroit dîner avec moi chez ma mere.

J’avois déjà balancé ſur ce dîner, eu égard à l’état où j’étois : j’en fus entiérement dégoûtée, quand je ſus que je l’aurois pour adjoint… Quelle figure iroi-je faire entre un amant heureux, de quelques heures, auprès de qui je voulois reprendre de la dignité, & un mari qui ſe plairoit à m’humilier, à me confondre ? Mes paroles, mes