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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/59

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tenoit qu’à moi de le lui faire éprouver… je m’aſſurai que cette vengeance m’étoit due, & dès-lors elle fut décidée. L’exécution n’en étoit pas bien facile. Le Comte n’étoit pas homme à entrer dans ce projet : il falloit le tromper, uſer de fineſſe pour que nous nous rencontraſſions en mêmes lieux avec l’Intendante, pour m’attirer des préférences auxquelles il ne pouvoit ſe refuſer ſans que j’encouruſſe le ridicule de me jetter à ſa tête. Tout cela me réuſſit d’autant mieux, que le carnaval fourniſſoit de fréquentes occaſions, & que Madame d’Archenes n’en laiſſoit échapper aucune de s’amuſer. Murville l’accompagnoit par-tout, & Rozane ſe prêtoit ſans ſe douter de rien.

Une conduite ſi peu meſurée le déſeſpéroit ; toutes ſes lettres étoient pleines de repréſentations, toutes les miennes d’excuſes tirées de mon penchant, que j’alléguois comme ſeule cauſe de mes écarts.

Sûre d’être juſtifiée par ce prétexte dans le cœur de mon amant ; treſſaillant de joie quand je voyois la colere étinceler dans les yeux de mon ennemie, & le Baron nous obſerver avec un front couvert de nuage, j’allois mon chemin, ſans plus penſer au danger de commettre enſemble deux hommes qui ſe haïſſoient.

Les derniers jours du carnaval, l’Ambaſ-