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Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/134

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ceur, la mélancolie, le tressaillement qu’inspirent la plupart de ces situations. Que je plaindrais celui qui ne me comprendrait point et qui n’aurait jamais été ému par l’électricité de la nature ! Le sentiment ne nous ferait-il éprouver que ces délicieuses émotions, il aurait déjà fait beaucoup pour nous ; il nous aurait offert une succession de jouissances sans regrets, sans fatigues, sans aucune espèce d’ébranlement violent. Ç’aurait été son plus précieux don, si l’amour de la patrie, si l’amour conjugal, si la divine amitié n’étaient aussi de ses libéralités.

Vous rentrez dans votre pays après quatre ans d’absence ; vous parcourez les sites, théâtres des… jeux de votre enfance et témoins de l’agitation que la première connaissance des hommes et l’aurore des passions produisent dans nos sens ; vous vivrez dans un moment de la vie de votre enfance, vous jouirez de ses plaisirs ; vous sentez tous les feux de l’amour de la patrie. Vous avez, dites-vous, un père, une tendre mère, des sœurs encore innocentes, des frères à la fois vos amis ; homme trop heureux ! cours, vole, ne perds pas un moment. Si la mort t’arrêtait en chemin tu n’aurais pas connu les délices de la vie, celles de la douce reconnaissance, du tendre respect et de la sincère amitié. Mais, me dites-vous, j’ai une femme et des enfants !… Ç’en est trop, mon cher ami ; ç’en est trop, ne t’en éloigne plus ; le plaisir pourrait te suffoquer au retour, ou