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Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/137

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mourir aussi. Elle lui survécut toutefois, mais pour lui rester fidèle. Nina a bien su que son bien-aimé était mort, mais le sentiment ne peut pas concevoir son anéantissement. Elle l’a attendu toujours ; elle l’attendrait encore… Tu plains dédaigneusement sa folie… Homme dur ! sens-tu, au lieu de cela, l’estime de sa constance et l’attendrissement du sentiment[1].

Une femme adorée est morte. C’est celle de ton ennemi. L’infortuné en est accablé : il a fui la société des hommes ; le drap noir a remplacé la tapisserie de la gaieté. Deux flambeaux sont sur la table, le désespoir dans son cœur ; il passera ainsi le reste languissant de sa vie… Âme bonne, tu sens ta haine se calmer : tu cours à son tombeau lui prodiguer les marques de la réconciliation. C’est la réconciliation du sentiment.

Vous avez lu Tacite. Quel est celui de vous qui ne s’est écrié avec le jeune Caton : Que l’on me donne une épée pour tuer ce monstre. Depuis deux mille ans le récit des actions de Marius, de Sylla, Néron, Caligula, Domitien, etc., vous révolte. Leur souvenir est celui de la haine et de l’exécration.

Le spectacle odieux du crime prospérant ou de l’innocence dans les fers vous brise le cœur ; le découragement circule dans vos veines pour y al-

  1. VARIANTE : l’attendrissement de son erreur (Œuvres de Napoléon,1840).