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Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/170

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les uns le voulaient mettre à mort, mais Lupo ne voulut jamais y consentir. Le garder prisonnier était le parti le moins sûr. Le peuple, ému par le souvenir de ses services et par son grand âge, aurait pu, dans un retour de son amour, lui restituer l’autorité. Dans cet embarras, les conjurés s’avisèrent de l’expédient qui réunissait tous les avantages, c’était de le livrer aux Génois… Un Spinola vint le prendre avec quatre galères. La tâche de l’historien devient pénible lorsqu’il a de tels faits à raconter. Le discours que les écrivains lui font prononcer, au moment de s’embarquer, est le dernier trait qui achève d’indigner contre les monstres qui l’ont trahi… « Lupo, dit d’un ton ferme le malheureux vieillard, ton cœur me vengera, je le connais bien ; tu n’étais pas pour épouser des remords : tu as été méchant, parce que tu as été faible… Quant à toi, Salnese, ton âme atroce me punit de ne pas t’avoir laissé périr sur l’échafaud, souillé du crime de la mort de mon intime ami. Je fus faible ; l’amour paternel étouffa le cri de la justice. Je te sauvai du supplice que tu méritais ; j’expie durement cette unique faute de ma vie ; mais quatre-vingts ans de vertu n’effacent-ils pas une faiblesse ?… Salnese, que ta femme t’abreuve de douleur ! que tes enfants conjurés contre toi te ressemblent par leur méchanceté ! que tu périsses, ne laissant parmi les hommes que l’exécration de