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Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/53

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IV

Être homme de lettres, dit Sainte-Beuve, c’est-à-dire dans le vrai sens du mot, « c’est l’être avec amour, dignité, avec bonheur de produire, avec respect des maîtres, accueil pour la jeunesse et liaison avec les égaux ; arriver aux honneurs de sa profession, c’est-à-dire à l’Institut. » Exception faite des impossibilités où le plaçait sa situation de souverain d’un grand pays et d’arbitre du monde, Bonaparte a rempli ces différentes conditions, à son insu du reste. Je trouve cependant, au début de sa vie littéraire, un obstacle presque toujours insurmontable : la langue dont il rêvait de se servir n’était point sa langue maternelle ; il était né, pour ainsi dire, sujet de la littérature italienne. Pendant longtemps, le français ne fut pour lui qu’un idiome de seconde main. À Brienne, où il arriva tout encrassé de patois corse, il se défit rapidement de certains italianismes, grâce au zèle des minimes de Saint-Benoit qui dirigeaient l’école, mais ne put les extirper tous. Quelques-uns, trop profondément enracinés, ne l’avaient pas abandonné à Sainte-Hélène. À trente ans, son orthographe française était parfois encore incorrecte, circonstance dont se sont fort égayés de pré-