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Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/64

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venant de l’oncle d’Alcibiade, sa manière n’a eu d’influence sur Napoléon que pour quelques discours. Ouvrez le deuxième livre de La Guerre du Péloponèse, et vous ne pourrez vous empêcher de faire cette remarque que certains exposés de la situation de la République, prononcés par le Premier Consul à la tribune du Corps législatif, rappellent fortement, dans leurs grandes lignes, l’admirable harangue du dictateur d’Athènes aux funérailles des victimes de la guerre civile. Ce jour-là, en effet, Périclès, rompant avec une tradition consacrée, prit pour thème l’éloge des institutions politiques de sa patrie au lieu de se borner à l’oraison funèbre des guerriers tombés pour elle. Il en est encore de même des discours qu’Alexandre tenait à son armée ; ils n’échappèrent point à l’œil étincelant du liseur avide de Brienne, de Paris et de Valence. Vous avez sans doute retenu dans Quinte-Curce les longs reproches que le héros adresse à ses phalanges macédoniennes quand, effrayées par les lieux, les climats, les forces de l’ennemi, tremblant d’être broyées par ces troupeaux d’éléphants dont la peur grossit le nombre, elles sont à la veille d’abandonner Alexandre : Non ignoro, milites, multa, quæ terrere vos possent… Ou je me trompe fort, ou ceci pourrait bien être le type classique des premières proclamations. Écoutons Alexandre : « Je n’ignore point, soldats, que ces jours derniers les peuples de l’Inde ont à dessein répandu une foule de bruits propres à vous effrayer ; mais les vaines exagérations du mensonge ne sont point pour vous une nouveauté. C’est ainsi que les gorges de la Cilicie, les plaines de la Mésopotamie, le Tigre et l’Euphrate, que nous avons passés, l’un à gué, l’autre sur un pont, étaient dans les récits des Perses des objets si terribles… Croyez-vous que les troupeaux d’éléphants soient ici plus nombreux que ceux de bœufs en d’autres climats ?… Eh bien, il en est de même du reste des forces ennemies : infanterie, cavalerie, l’exagération en a fait le compte… »