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CHARLOT S’AMUSE

il était saisi à la voir souiller le lit, ou, à table, se lever brusquement, prise de nausées, et se tenant aux murs, pour aller vomir, sans avoir jamais le temps d’atteindre la porte.

Et il se gourmandait, s’accusant d’être égoïste. Alors il s’ingéniait à prouver à Fanny qu’il l’aimait toujours, voulant s’excuser tacitement d’une répulsion qu’elle ne lui reprochait pas, mais dont, seul avec lui-même, il sentait toute l’injustice, toute la cruelle absurdité. C’étaient des prévenances délicates, des cadeaux, des surprises. Il se priva d’acheter des vêtements, dont il avait le plus pressant besoin, pour pouvoir lui offrir des colifichets. Elle le remerciait pourtant à peine, avec cet air détaché de tout et l’indifférence égoïste des malades, se plaignant qu’il la laissât trop seule, et se faisant plus impérieuse, plus exigeante, à mesure qu’elle le voyait plus doux et plus soumis.

Sorti de la petite chambre où, maintenant, elle restait couchée tout le jour, Charlot avait de grandes colères. Après les trois premiers jours de jeûne, il était retombé, sans y penser, dans ses anciennes habitudes, et furieux de cette rechute qu’il pressentait devoir durer quelque temps encore après l’accouchement, il comptait impatiemment les jours, et maudis-