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Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/331

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CHARLOT S’AMUSE

il pouvait, en se l’imposant, lui assigner une fin, s’endormir dans la certitude de trouver, à un jour donné, un corps jeune et bien fait à couvrir de caresses. Tous les matins, après une nuit rendue intolérable à ses désirs par le voisinage de Fanny, qui, sans se douter de la torture de son amant à la vue de ses épaules et de sa gorge nue, le contraignait à un chaste repos, il se levait en se promettant de tenir bon le reste du jour dans sa solitude insurveillée. Il regardait dans le calendrier où sa maîtresse, supputant comme lui les jours, avait, en riant, marqué d’une grosse croix rouge l’époque à laquelle, débarrassée de son bébé et remise en état, elle pourrait à nouveau recevoir ses caresses. Il comptait, et cela la mettait de belle humeur. Encore tant de jours ? Mon Dieu ! que c’était long ! Puis, l’ayant embrassée, il filait, se répétant en route, comme les enfants qui ont peur d’oublier une commission : « Je ne céderai pas… Je ne céderai pas !… »

Et il cédait, cependant, invinciblement, après une lutte douloureuse durant laquelle il s’agitait sur sa chaise de cuir, angoissé de palpitations et voyant dans un brouillard les chiffres de ses registres danser des sarabandes, et les deux colonnes Doit et Avoir se déplacer