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Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/349

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CHARLOT S’AMUSE

les cris stridents des martinets dont les bandes tournoyaient balayant le ciel d’arabesques. Arrivé au pont mobile jeté sur le canal, le courant humain que dégorgeaient les quais, la rue de Lancry et la rue des Vinaigriers, ralentissait son allure pour laisser passer les fiacres et les voitures à bras, qui, à la file, lentement, s’engageaient sur le parquet ferré et sonore, vibrant sous les pas des chevaux.

Charlot s’arrêta là une minute, comme ému par ce tableau faubourien. Il écoutait les lazzis des moutards et, au passage, il saluait les brassées de drapeaux que des ouvrières portaient en riant, enveloppant leur joie gamine dans la grisante envolée des grands plis tricolores claquant au vent tout autour d’elles. Une claire flambée de lumière, plus rouge de minute en minute, illuminait dans une tonalité vigoureuse ce coin de Paris mis en joie par la fête du lendemain. Le soleil se couchait. Le ciel semblait saigner au-dessus de la Villette et le canal filant au loin, entre les quais déjà presque obscurs sous l’ombre des maisons, faisait comme une coulée d’or en fusion, au milieu de laquelle les chalands et les péniches tremblottaient, pareils à de noires épaves qu’aurait agitées un roulis. À droite, au contraire, le ciel s’éteignait dans une nuance de