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CHARLOT S’AMUSE

lilas tendre, vaporeuse, et, sur ce fond clair, les hautes cheminées d’usines se profilaient, nettes et rigides, semblables à des couleuvrines roses braquées sur les nuages. Leur couronne ordinaire de fumée était tombée. Les fabriques étaient silencieuses. Seul, un remorqueur amarré à quai, non loin de l’écluse, crachait à coups secs sa vapeur et renâclait, haletant, comme époumoné de fatigue, et impatient de vider ses chaudières pour jouir, lui aussi, du repos.

À côté du pont mobile, au sommet de la passerelle cintrée dont le demi-cercle japonise ce quartier populaire et permet aux piétons de franchir le canal sans attendre que les bateaux aient passé et que le pont soit remis en place, des passants s’arrêtaient. Charlot y monta, et, longuement, s’oublia à contempler de cette hauteur les choses qu’il ne devait plus revoir, les quais pavoisés déjà, la file des mâts vénitiens et les chaînes de verdure se prolongeant bien loin, jusqu’à la Bastille, en deux lignes interminables, se rapprochant toujours, et qui, plus près, sur le boulevard Richard-Lenoir, finissaient en pointe, s’accolant dans le confus entassement d’un arc de triomphe aux contours indécis. À côté de lui, des gens s’exclamaient devant ce merveilleux coup-d’œil