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Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/43

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CHARLOT S’AMUSE

séminaire avait maté son caractère, adouci ses angles, en même temps qu’elle pâlissait son teint et lui enlevait en apparence au moins la rusticité de ses allures. La jeune fille remarqua au premier abord la blancheur de son visage et la finesse de ses mains. Son parrain, depuis vingt ans qu’il vivait dans le village, avait pris les habitudes et, en dehors du prêche, le parler et les mœurs de ses fidèles, se soûlant volontiers avec eux ; aussi, ce nouveau venu blond, coquet et jeune, lui plut-il tout de suite, et elle le compara au Divin Seigneur de ses images, le trouvant beau comme lui.

Jamais elle n’avait été aussi pieuse ; l’abbé la voyait au premier rang de ses paroissiens à chaque office, et quand, au retour de sa promenade, il entrait le soir à l’église, avant d’aller dîner au presbytère, il l’apercevait agenouillée dans l’ombre au pied d’un pilier. Elle priait avec ferveur. Il l’examinait, et, soudain, le regard de la jeune fille se coulait, luisant, des vitraux rouges au visage de l’abbé, qui éprouvait comme un malaise. Ces grands yeux brillants lui semblaient piquer de deux étoiles l’obscurité solitaire de l’église. Troublé, il s’enfuyait bien vite. Mais avant qu’il eût fermé la porte de la sacristie, Anne, dépêchant ses signes de croix, était de retour à sa cuisine,