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Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/44

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CHARLOT S’AMUSE

et le prêtre, en rentrant, la retrouvait mettant le couvert, ou secouant devant la porte, le panier à salade, faisant, dans l’envolement de son bras, se coller l’étoffe de son corsage sur les rondeurs de sa gorge. Une bouffée de désirs montait au cerveau du jeune homme ; il balbutiait son benedicite, s’efforçant de chasser la vision tremblante de ces deux seins fermes, en arrêt, ignorant le corset et, sous la frêle indienne, tout à l’heure, moulés si étroitement que leurs deux pointes semblaient crever le tissu. Anne entrait à ce moment, les yeux baissés, elle servait l’abbé, lui donnant chaque jour une nouvelle douceur, ne mangeant pas avant qu’il eût fini et se tenant dans la cuisine, mais la porte entr’ouverte, pour accourir, empressée, dès qu’elle cessait d’entendre tinter la cuiller ou la fourchette de son maître.

Peu à peu, le vicaire la vit partout sur son chemin. Elle était dans la maison tout entière, heureuse de frotter ses jupes à la soutane du jeune homme, s’effaçant en balbutiant une excuse pour le laisser passer, les yeux à terre toujours. Parfois, pourtant, lorsqu’il partait pour une longue promenade, elle le regardait bien en face, durant une seconde, jusqu’à ce qu’il baissât lui-même les paupières. L’abbé, presque en colère, s’enfuyait, emportant la