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Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/47

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CHARLOT S’AMUSE

Maintenant, tous deux n’osaient rien dire. Elle avait la tête dans ses mains ; lui, la regardait, silencieux, perdant tout sang-froid à la sentir près de lui. Sa chair frissonnait, assaillie de désirs, et, éperdu, il cherchait en vain les mots par lesquels il invitait d’habitude ses pénitentes à la contrition. Il balbutia ; Anne alors récita, essoufflée, son confiteor et les prières d’usage, puis, de nouveau, ils restèrent en face l’un de l’autre, muets dans l’obscurité calme de la chapelle. Par les vitraux, un long sifflement d’hirondelles entrait avec la rumeur monotone et douce de la mer qui s’assourdissait sous les voûtes.

L’horloge sonna. Le prêtre songea qu’il n’avait plus qu’un instant. Rassemblant tout son courage, il interrogea enfin la jeune fille, et celle-ci, se dégonflant le cœur tout d’un coup, lui fit la confession de son amour, crûment, avec une sorte de colère. Le vicaire l’écoutait, hors de lui, la poitrine oppressée. Il collait sa face au grillage du judas, et le souffle ardent de la jeune fille lui caressait l’épiderme. Il la questionnait à présent, sentant revenir, plus impérieuse peut-être que le désir, l’obscène curiosité de la femme, jamais assouvie, qui, si longtemps, l’avait tourmenté au séminaire. Assoiffé, la bouche sèche, il se faisait