Aller au contenu

Page:Borel - Rapsodies, 1868.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


                                 AGARITE.
D’un ami !… Désormais, je ne suis plus la tienne,
Il faut que désormais à d’autres j’appartienne…

                            ADRIEN interrompant.
Par l’enfer ! à qui donc ?
                              (Portant la main à son épée.)
                                        J’ai là mon estocade,
Qui pourra bien couper la fièvre à ce malade !
Nomme-moi donc ce fat ; sans attendre plus tard,
Que j’aille…

                            AGARITE gravement.
                    Ah ! calmez-vous, pitié, c’est un vieillard !
Tu le sais, Adrien, mon vieux père sans tache,
Homme preux et féal, pour esquiver la hache
D’un fourbe cardinal, tenant dans son manteau
La France emmaillotée, et pour crosse un couteau,
Cette France qui rit au roi comme au satrape,
Qui lèche comme un chien le bourreau qui la frappe ;
Tu sais que de son sang, pour sevrer Richelieu,
Mon père enfin s’enfuit à Turin, en ce lieu,
Qu’il crut hospitalier, demandant un asile
Bien obscur, ignoré, pour achever tranquille
Quelques jours lui restant. Mais qu’on se peut tromper !
Or, Richelieu, voyant sa victime échapper,