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Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/36

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auprès de moi ; mais à Nancy, ce fut un changement complet. Il devint l’ami de tous les officiers de la garnison. Il passait, comme eux, ses journées à faire des armes, à boire, à jouer, à fréquenter les cafés et les estaminets. Le soir, on poursuivait les brodeuses à la sortie de leurs ateliers ; on nouait les intrigues, on combinait les rendez-vous. Mon mari rentrait habituellement à une heure avancée de la nuit, en sorte que je ne le voyais plus que pendant quelques instants de la matinée. Il avait toujours l’humeur triste et impatiente des gens fatigués par un excès. J’aurais dû m’efforcer de prendre un peu d’autorité sur lui, mais je suis incapable de provoquer la moindre querelle : je ne sais pas même me plaindre.

Je le conjurais pourtant, avec toute l’ardeur d’une affection sincère, de se réformer, dans son propre intérêt. Hélas ! le timbre de l’horloge était bien plus éloquent que ma voix. Quand Eugène entendait sonner certaines heures, qui étaient celles de ses réunions, la fièvre de ses mauvaises passions le saisissait, il lui était impossible de demeurer au logis. Je me sentais plus de pitié que de colère, lorsque j’étais témoin de ces accès aussi invo-