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Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/44

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un jour vos esprits seront unis comme vos cœurs.

Félicien secoua la tête.

— Adrienne n’acceptera rien de moi, parce que je lui suis inutile. J’ai été devancé en toute chose : son esprit n’avait point besoin de pensée, mais d’un raisonnement tout fait qu’on lui a offert, qu’elle a accepté et qui lui suffit ; son cœur a trouvé un aliment dans une foi tendre et sensuelle qui remue en elle les instincts de la maternité ; son imagination, un excitant dans un culte dont les pratiques l’occupent et dont les pompes l’amusent : où ma place est-elle dans tout cela ?

— Mais Adrienne n’est ni une ascète ni une mystique, et puisqu’elle a associé l’amour du monde à sa piété, pourquoi n’y associerait-elle pas l’amour de son mari ?

— Elle le ferait si elle avait l’âme ou plus exaltée, ou plus sensible ; mais, calme par nature, on lui a appris encore à se défier de la passion. L’amour du monde, c’est bien différent : c’est l’amour d’elle-même, c’est le triomphe de sa jeunesse, de sa beauté et de sa vanité. Il est vrai que dans le monde je lui suis bon à quelque chose. Là, elle m’estime