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Page:Bouasse - Capillarité - Phénomènes superficiels, 1924.djvu/22

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actionnaires. Ils ont débité leur cours à la Sorbonne, vite ils prennent le métro pour le dégoiser à l’École centrale ; un second métro les mène à Sèvres ou à Saint-Cloud faire une troisième ressucée.

Des professeurs ça ! vous plaisantez : de mauvais phonographes !

Et je finis par comprendre pourquoi, dans certaines écoles, on affiche un si beau mépris pour le professorat !




Résumons.

On n’enseigne bien que si l’on vit dans un laboratoire ; inversement on n’a chance d’aider à l’avancement de la science que si l’on ne se borne pas à en connaître un petit coin ; on doit posséder le minimum d’érudition qu’exige le professorat.

Diviser le personnel scientifique en deux catégories, les découvreurs, les professeurs, est absurde en théorie, irréalisable en pratique.

La France n’est pas assez riche pour doubler le personnel. Il serait impossible de ne pas donner des laboratoires aux professeurs ; impossible de les payer convenablement sans alors exiger un nombre de cours tel qu’ils iraient à l’abrutissement par les voies les plus rapides ; impossible de payer les découvreurs sans exiger des découvertes, et les découvertes ne se commandent pas.

Le système actuel est le meilleur, à la condition que les professeurs d’enseignement supérieur ne se croient pas quittes envers le public pour 3 cours par semaine pendant 7 mois de l’année.

Inversement on ne s’improvise pas professeur. Un ingénieur éminent peut être absurde parce que trop spécialisé. Les ouvrages écrits par les ingénieurs peuvent être excellents comme aide-mémoires ; ils sont généralement ridicules au point de vue scientifique, faute d’une vue d’ensemble de la question traitée.

C’est une erreur néfaste de croire que le flair suffit à l’ingénieur : pour appliquer, il faut savoir. Que pour le futur ingénieur on choisisse les parties de la science les plus immédiatement applicables, je me tue à le répéter ; mais il faut être polytechnicien pour mépriser la science acquise. Comme au jeune homme de 18 ans on ne peut demander une expérience technique qu’aussi bien il n’acquiert jamais comme Ingénieur des Ponts ou des Mines, force est d’exiger de lui un minimum de connaissances théoriques et expérimentales. Son mépris pour ses professeurs est la preuve que ses professeurs sont mauvais.

Il n’existe pas de plus parfaite jouissance intellectuelle que de former des cerveaux, d’imposer ses idées, d’amener les autres à penser comme l’on pense. Le professeur d’enseignement supérieur qui fait son métier comme un chien qu’on fouette, devrait avoir la pudeur de ne pas s’en vanter.