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Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/16

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première fois, et nous nous connaissions déjà comme de vieux amis. Avec lui, je n’avais pas éprouvé un instant d’ennui : un accent un peu flamand ajoutant à la naïveté de ses récits, loin de les déparer, y jetait un charme inexprimable. Ce caractère, si on eût pu le transporter à la scène, y aurait fait le succès d’une pièce, mais il aurait fallu un acteur doué de son inimitable bonhomie, jointe à une finesse d’esprit dont il ne se doutait pas lui-même : c’était le bon sens servi au naturel, chose qui ne se rencontre pas tous les jours.

Comme autrefois feu Joconde
J’ai beaucoup couru le monde,
J’ai vu du beau, vu du laid.
Mais tenez ceci pour fait :
Fût-ce sous le diadème,
Fût-ce au ciel où, comme on sait,
Tout est bien, tout est parfait,
Il n’est de plus rare objet
Qu’un homme qui soit lui-même
Ou tel que Dieu l’avait fait.

Le 13 août, je vais au Louvre, avec le major, visiter les antiquités assyriennes nouvellement exposées. Les grands et les héros de cette époque devaient passer une moitié de leur vie à peigner et friser leur barbe, et l’autre moitié à se tenir coi, de crainte de la défriser. Chez des peuples qui attachent une telle importance à cet ornement du menton, ce devait être un grand crève-cœur d’en être privé. Il est donc à croire qu’il existait chez eux des barbiers habiles. De même que chez nous, l’art suppléait à la nature : on y avait de fausses barbes comme nous avons de faux toupets, et nos dames de fausses tresses et de faux chignons. Le règne de la contrefaçon, comme on voit, ne date pas d’hier.