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Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/180

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par Christophe Colomb avant la découverte des terres devenues depuis le continent d’Amérique, et telles qu’il les supposait. Elle appela le précepteur de ses enfants, qui avait été son bibliothécaire, lequel lui confirma ce que j’avançais, en assurant que cette carte existait encore et qu’elle était précieusement conservée.

Après dîner, elle me parla de sa position et de l’avenir de ses enfants. Je tâchai de lui donner quelqu’espérance. En effet, dans cette spoliation italienne, il n’y avait qu’elle dont la France eut plaint le sort. On la voyait avec peine ainsi dépouillée de son petit État qu’elle dirigeait sagement, paternellement et libéralement, tenant à rester Française en n’acceptant pas le patronage de l’Autriche ni l’asile qu’elle lui offrait. L’opinion était que l’Empereur partageait à son égard le sentiment général ; on parlait de la voiture qui avait servi au mariage de Napoléon Ier avec Marie-Louise, qu’elle avait offerte à Napoléon III, et qu’il avait, dit-on, acceptée ; on croyait enfin que s’il n’était plus possible de lui rendre son État, on pouvait lui en donner l’équivalent. À ceci elle me répondit qu’elle accepterait cette indemnité en terres, pourvu qu’on ne les prît à personne. Je lui demandai l’autorisation d’en dire un mot à Paris. Elle me la donna, et je l’ai dit.

Dans la soirée, elle me parla science. Elle savait quelque chose de mes recherches archéogéologiques et de mon livre des Antiquités antédiluviennes, de l’attaque des journaux puritains, de la défense de mon livre par le cardinal Wiseman dans un sermon prononcé à Londres en juin 1859 : « Cela ne m’étonne pas, dit-elle, c’est un homme instruit et éclairé. »