Aller au contenu

Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

arrêté, voilà un magasin de chapeaux ! » — En effet, la ressemblance était frappante. Rien de plus mauvais goût que ce trophée : espérons que ce specimen de monument ne sera pas réalisé. Une Victoire qui le surmonte n’est pas d’un meilleur effet. Les colonnes dorées qui forment, avec les draperies, une sorte d’arc-de-triomphe à l’entrée de la place Vendôme, valent mieux.

Quoiqu’il ne soit encore que deux heures, la foule est immense. Sur les trottoirs des boulevards on circule difficilement. Par instant, il est même impossible d’avancer, et il n’est pas prudent de s’aventurer sur la chaussée où se croisent des milliers de voitures. Je n’ai jamais rencontré tant de monde à Paris ; on prétend que cinq cent mille étrangers y sont arrivés depuis trois jours. Dans ce monde, on n’aperçoit ni police ni gendarmes, et il n’y a pas de désordre.

Parmi les promeneurs sont des officiers étrangers qui attirent surtout les regards. Ces costumes, quoique brillants, ne valent pas nos uniformes français ; ils sont moins élégamment coupés et pas toujours bien portés. Les troupes anglaises sont certainement richement habillées, les hommes y sont beaux, la tenue parfaite, mais, sauf les montagnards écossais, tous les autres, officiers et soldats, ont l’air mal à l’aise dans leurs habits. Il en est de même des Russes, troupes superbes en corps, mais, individuellement, ressemblant à des mannequins.

Je rentre exténué à l’hôtel. Je me jette sur mon lit, ce qui jamais ne m’arrive le jour, mais la chaleur et la fatigue font leur effet : je dors trois heures d’un profond sommeil.