Aller au contenu

Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ces grands hôtels, en résumé, gagnent peut-être moins que les petits en faisant payer le double, car il est certain que ce luxe d’appartements, de meubles, de domestiques doit entraîner une mise de fonds considérable. Ils spéculent sur la vanité, ce préjugé des voyageurs de qualité qui font moins attention aux mets qu’aux plats qui les contiennent, et qui feraient la grimace devant l’ambroisie même, si on la leur servait dans un vase de terre.

On a aussi à Genève, comme dans les hôtels de Londres, pour dédommagement d’un dîner léger, l’abondance et même la surabondance des couteaux et fourchettes qu’on vous sert à poignées ; mais je m’arrange mieux de ce surcroit d’outils culinaires que de celui des gens de service qui semblent là moins pour vous aider à manger que pour vous en empêcher : lents à remplir votre assiette, ils sont d’une prestesse singulière à vous en débarrasser, et si vous avez la moindre distraction, vous ne trouvez plus devant vous qu’une assiette avec une douzaine de couteaux.

J’ai à table, en face de moi, un Anglais à grande barbe, à figure distinguée et accompagnant deux dames. Il demande une demi-bouteille de vin de Champagne et une bouteille vide ; il verse son champagne dans celle-ci et la remplit avec de l’eau. Voilà une opération vinicole que je n’avais pas encore vu faire. Du reste, ces dames et le gentleman lui-même paraissent fort goûter ce mélange. Mais il nous arrive un autre rafraîchissement auquel je ne m’attendais guère : le jour finissait et nous voyions à peine clair. Quelqu’un s’en plaignit à un des garçons qui s’empressa d’ouvrir toutes les fenêtres. En