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Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/276

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Grand Esculape et vous Hygie,
Vous docteur en thérapeutie,
Source où tous les matins je bois
Le calice jusqu’à la lie,
Bains tièdes, bains chauds et bains froids,
Douche, ainsi qu’un bouquet d’ortie
Mordant ma chair endolorie,
Qu’avez-vous donc fait de ma peau ?
En la voyant noire et meurtrie,
Tel qu’un noyé sortant de l’eau,
Voulez-vous donc que je dédie
Un autel à ce dieu nouveau
Créateur de l’hydromanie ?
Non ! je n’ai qu’à mordre mes doigts,
Car au lieu d’un mal, j’en ai trois :
Le remède, la maladie,
Plus les écus que je vous dois.

Le lendemain, je me lève débarrassé de mes douleurs, mais je tremble qu’elles ne reviennent : rien ne me fait plus peur que les bobos. Une bonne maladie vous absorbe, vous endort : on laisse l’inquiétude au médecin et aux amis, c’est leur affaire : tant pis pour eux s’ils se désolent. Quant aux bobos, c’est différent : on hausse les épaules si vous vous plaignez ; on pouffe de rire si vous criez ; bref, on finit par vous mettre en colère ; mais c’est un remède aussi bon qu’un autre, meilleur même, car il calme la douleur comme par enchantement ; cependant, vu qu’on ne peut pas se tenir toujours dans cet état, le mal ne tarde pas à revenir.

Cette douleur à la nuque, que tout le monde a plus ou moins éprouvée, car elle vient d’un excès de travail comme d’un trop long repos, n’est pas des plus vives, mais elle est abrutissante. Dans ma jeunesse, j’en ai souffert longtemps ; elle s’est affaiblie en vieillissant. Néanmoins j’en ai grand’peur : lorsque j’en éprouve des