Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/83

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deux arches dont nous voyons les débris sur la rive ; mais à côté, la campagne est riante et verte.

On me montre, non loin de ce pont, la place où l’Empereur s’est tenu pendant l’affaire : c’est de là qu’il donnait ses ordres. Sur le champ de bataille de Wagram, on m’avait fait voir également, en 1810, la place ou plutôt les places où s’était successivement arrêté Napoléon Ier. Qu’a-t-il dit de Magenta ? l’a-t-il vu de l’autre monde ?

Nous allons être sur le champ de bataille. À gauche de la voie ferrée est passé le corps d’armée du maréchal Mac-Mahon allant vers Magenta.

Je n’entrerai pas dans les détails que me donne le capitaine ; je renverrai aux bulletins et aux plans qui les accompagnent. Je remarque un petit pont troué par les boulets, et des arbres coupés par ces mêmes projectiles, mais ce qui m’étonne, c’est qu’il n’y en ait pas davantage. Beaucoup de mûriers et de vignes se montrent encore debout sur divers points de ce champ de meurtres. Sur d’autres, on en a déjà replanté.

De loin à loin, des croix indiquent les places où l’on a enterré des masses de cadavres. Mais il y en a bien plus dans une tranchée creusée le long de la voie ; elle semble faite de la veille, car l’herbe n’a pas encore eu le temps d’y croître. Cette tranchée, qui s’étend à perte de vue, fait frissonner. Que de générations, que d’espérances sont enfouies là ! Que de misères et de larmes en sont sorties ! Qui donc profite de la guerre ? Les corbeaux, les vers et les rats.

Si l’on consultait les masses, si l’on y mettait la guerre aux voix, combien de langues ne se dessécheraient-elles pas avant de dire oui !