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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/106

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mon histoire passée, présente et future ; j’ai toujours différé, je différerai toujours. Il n’y a que pour toi que je me sente un peu de courage ; ton nom ranime mon esprit abattu et je me réchauffe à ton idée comme un vieillard au soleil.


Ce 18. — J’ai essayé de peindre pour me désennuyer, mais tu n’imagines pas combien je me suis trouvé dépaysé à la vue d’une mulâtresse ; ce mélange informe de couleurs et de traits si opposés, ces visages qui nous parlent tantôt du père, tantôt de la mère, qui par conséquent disent tantôt blanc, tantôt noir, te donneraient à toi-même de la tablature. Mais à propos de tableaux, dis-moi par quelle fatalité ton portrait ne m’est point encore parvenu ? Celui des petites demoiselles était horrible, mais quatre coups de pinceau de Mme Lebrun pouvaient tout réparer et j’aurais au moins quelque chose à baiser, au lieu que je n’ai rien. Ton petit profil que j’ai là sous mes yeux est sec comme un petit pendu ; ton tableau votif est placé trop haut et ne ressemble point exactement ; ce que je regarde encore avec le plus de complaisance, est un petit dessin que j’ai fait il y a bien longtemps, bien longtemps, d’une jolie petite paresseuse dans son grand fauteuil jaune. Mais ce n’est qu’un dessin et mes yeux grossiers veulent des couleurs ; il leur faut non seulement tes traits, mais ton maintien, ton ajustement, ton désordre, ton… Enfin, si je les écoutais, il te faudrait toi-même en personne, car je crois qu’à moins de cela, ils ne seraient jamais contents.


Ce 19. — Je souffre toujours de mon panaris, ma chère enfant ; tantôt l’ongle est menacé, tantôt la