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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/160

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Ce 1er octobre. — Eh ! bien, ma fille, nous voici à ce mois si désiré, qui doit m’envoyer le vaisseau sur lequel je compte revenir. Si tu m’aimais encore tu ferais agir tous les ressorts de ton charmant esprit pour hâter un envoi d’où mon bonheur dépend. Mais comment croire quelqu’un qui ne dit rien ? J’attends encore un ou deux bâtiments de Bordeaux ; si tu m’aimes, tu sauras le moment de leur départ et tu leur diras quelque chose pour moi ; si tu ne leur dis rien, ce sera marque qu’il n’y a plus rien pour ton mari au fond de ton cœur et je t’abandonnerai à ton indifférence ou à quelque chose de pire. Mais je m’aperçois que je suis aussi déraisonnable que toi et qu’avec le projet de badiner, j’ai presque fini par me fâcher. Non, ma bonne femme, je ne veux ni ne dois te croire coupable. Je ne le crois pas ; je ne suis point assez ennemi de moi-même pour cela ; c’est une ignorance, une méprise, et non point un oubli dont je me plains et cela ne doit pas m’empêcher de t’embrasser comme la plus tendre des femmes.


Ce 2. — Les chaleurs sont plus accablantes qu’elles n’ont jamais été et j’ai eu hier et cette nuit un mal de tête affreux qui sûrement était accompagné de fièvre. Mon remède à cela a été de reprendre ce matin mes occupations ordinaires, de me livrer aux mêmes soins, de faire absolument les mêmes choses, afin de persuader à ma grosse bête de corps qu’il n’était point malade. Il paraît que l’artifice a réussi et je crois me trouver bien. Cependant j’attendrai demain au soir pour t’en dire des nouvelles.


Ce 3. — Tout est rentré dans l’ordre, ma jolie