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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/161

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fille, et je n’ai plus d’autre maladie que l’impatience de n’être pas encore au moment de m’embarquer. Je cherche à tromper mon ennui en m’occupant déjà des préparatifs de mon départ et pour les rendre moins embarrassants je ne porterai point de présents, parce que je me souviens encore du retard, du soin et de la dépense auxquels m’ont exposé les drogues que j’ai apportées l’année dernière. Ainsi, ma fille, n’attends ni arc, ni flèche, ni or, ni diamant, ni perruche, ni perroquet, tu n’auras qu’un mari et un mari tout nu. Adieu.


Ce 4. — J’ai encore passé cette nuit au milieu de mes bourreaux les maringoins. Si tu savais, si tu voyais comme ils accommodent ton pauvre mari, tu arroserais toutes ses ampoules et toutes ses plaies des larmes de tes beaux yeux. Ce qu’il y a de plus fâcheux, c’est de les entendre ; leurs menaces sont pires que leurs morsures et leur sifflement est encore plus aigu que leur dard. Ils ne se contentent pas de m’enlever ma peau, ils m’enlèvent le sommeil et cette nuit même j’ai compté toutes les heures, ce qui allonge trop mon exil, car j’aurais eu presque le droit d’attendre que le sommeil abrégerait mes ennuis d’un quart et je ne crois pas que depuis mon retour il ait pris plus d’un dixième de ma vie. Tu verras qu’il reviendra au moment où nous en aurons le moins affaire ; mais tu me le pardonnes d’avance, et quand tu devrais t’en fâcher, je ne voudrais pas moins en être à ce moment-là, avant lequel il y en aura ou après lequel il y en aura de si bons.


Ce 5. — Nous avons depuis quelques jours une nouvelle hôtesse, avec qui je voudrais faire une con-