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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/171

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encore ; je me repens d’autant plus de l’expédition que je lui ai fait faire que je viens d’apprendre que les gens du Sénégal m’avaient fort exagéré leur détresse. N’importe, il ne faut point se reprocher le bien qu’on a voulu faire, quand même les gens n’en seraient pas dignes et quand même on en serait la victime. Je passe le temps comme je le puis à travers les souffrances, les ennuis, les contradictions et les affaires. L’Afrique est mon purgatoire et j’espère bien revoir quelque jour le ciel de ton beau lit bleu.


Ce 24. — Voici un vaisseau qui arrive et qui ne m’apporte pas un mot de personne ; il va aux Indes et relâche ici pour faire de l’eau et du bois. Il est chargé de quatre demoiselles plus petites, plus nabottes et plus laides que Mlle Omar. N’importe, il faut leur faire un bon accueil et penser qu’elles font encore trop d’honneur à Gorée. D’ailleurs tout ce qui vient de France et même tout ce qui n’y va point a droit à ma compassion. J’attends toujours ma Cousine, qui doit me porter à ma femme, et je commence à en être inquiet, car d’après mes ordres et mes calculs elle devrait être ici ; mais les ordres ne sont pas plus respectés des hommes que les calculs ne le sont des vents. On m’annonce un bâtiment du roi expédié de Brest ; si ma chère Cousine n’était point de retour à son arrivée je m’en servirais pour mon retour ; mais je ne suis pas assez malheureux pour en être réduit là. Adieu, ma bonne femme, je me sens triste et souffrant ; mes coliques d’estomac me tourmentent depuis plusieurs jours et mon panaris se renouvelle, en sorte que je n’ai pas un instant de bon, excepté quand je regarde bien fixement