Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/180

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bêtise ne me retienne encore quelques jours, car si je laissais quelque chose à faire après moi, les opérations seraient plus lentes et les négociations n’auraient pas le même poids et la disette et des monopoles et toutes les indignités possibles se renouvelleraient à l’île Saint-Louis. Mais, quoi qu’on dise et qu’on fasse, j’espère bien être parti avant huit jours, sans cela je serais mort avant quatre et tu ne verrais que la petite urne de grès dans laquelle je t’enverrais mes cendres.


Ce 10. — Mon aide de camp est revenu tout à l’heure d’une grande ambassade dont il s’est fort bien acquitté ; il me ramène deux superbes esclaves. Il en a un pour lui, tout ce qui l’accompagnait a eu de grands présents. Le roi que j’ai fait complimenter doit me faire la petite galanterie de cent bœufs. Je n’ai jamais rien entendu de si plaisant que tout ce qui se passe à cette cour-là ; mais ce n’est point ici le lieu de t’en entretenir. Adieu, mon enfant, tous les rois de l’Afrique et tous ceux de la terre, excepté le nôtre, n’auraient pas le pouvoir de me tenir plus longtemps éloigné de ma jolie femme.


Ce 11. — On travaille à mes paquets et j’ai beau faire pour diminuer encore, s’il est possible, ma chétive existence, je me trouve toujours gêné de ma misérable richesse. Affaire sur affaire, méprise sur méprise, coffre sur coffre, malle sur malle, on n’imaginerait jamais que ce pauvre petit Gorée eût pu contenir tout cela et encore moins que cette pauvre petite Cousine puisse le porter. Cependant je n’ai rien que de nécessaire, mais j’imagine que mes gens y joignent leur superflu. Enfin quand les autres affaires