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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/181

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le permettront, celles-là ne m’arrêteront pas un moment et en dépit de l’Afrique et des Africains, je reverrai et je rebaiserai ma petite femme blanche.


Ce 12. — Voici encore des nouvelles du Sénégal pires que les premières : les princes chez lesquels ces pauvres malheureux allaient chercher leur nourriture ont rompu tout commerce. On n’a plus de ressources qu’en moi, mais je n’ai point de vaisseaux à leur envoyer et je leur écris inutilement pour venir ici avec les leurs, qui devraient être tout prêts puisqu’ils étaient en marche pour Galam. Mais ils n’ont ni matelots ni pilotes en état de passer la barre et nous n’en avons ici que le nécessaire le plus rétréci. Malgré cela je les secourrai, mais avec bien de la peine et bien peu de goût, car leur malheur vient de leur bêtise et leur bêtise est défiante et méchante, ce qui n’invite point les bienfaits. Quelle joie de laisser bientôt tout cela derrière moi et de te voir en perspective des yeux de la pensée, en attendant que mes autres yeux en prennent leur petite part. Adieu.


Ce 13. — J’ai ordonné aujourd’hui à la Cousine de se tenir prête à partir le 20, et à moins d’un ordre signé du roi lui-même, le 21 je ne serai plus à Gorée. Au milieu de mon trouble, de mes embarras, de tout ce qui m’agite, m’occupe et me distrait à chaque instant, je vois avec une pitié mêlée de satisfaction la peine que mon départ fait à tout le monde ; il se mêle à la vérité un peu de physique aux raisons morales, car personne ne sait où il mangera. Toute la colonie s’était si bien accoutumée à être nourrie par moi que la fin de mon ordinaire sera ici la fin du