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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/42

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de l’homme c’est le repos, parce que l’esprit voudrait être quitte de tout soin et le corps de toute peine. On dit aussi que les gens les plus actifs, les plus turbulents, ne songent qu’au repos ; Horace le dit du marchand, de l’avocat, du guerrier, du laboureur, etc. Il faut convenir que si c’était là mon but, j’ai pris un chemin bien détourné, car je n’ai vu que de grands embarras, tous hérissés de petites difficultés. La besogne dont je me suis chargé ressemble à un grand arbre, à la cime duquel il faudrait aller chercher un fruit, que je ne crois pas bien mûr, en montant contre un tronc glissant, se tenant à des branches épineuses et rencontrant à chaque épine de petits crochets dont il est impossible de se débarrasser, même avec le courage de tout souffrir. Enfin, mon enfant, j’espère tôt ou tard tomber à bas de l’arbre et te trouver au pied pour me recevoir et panser toutes mes plaies. Adieu, adieu.


Ce 27. — Je retourne à toi, comme après de longues traverses un saint personnage va se jeter aux pieds du crucifix, pour en recevoir la consolation qu’on ne trouve point parmi les hommes. Tu n’imagines point et personne n’imaginera jamais tout ce que je souffre de peines et de contradictions dans ce maudit pays, que je me suis engagé à rendre heureux et qui n’en est point susceptible. La bonne volonté manque aux uns, l’intelligence aux autres, le petit nombre de gens animés de mon esprit est arrêté comme moi par le manque absolu de moyens. Enfin, je crois que je mourrais si je n’entendais toujours cette voix intérieure qui me dit que tu me consoleras de tout.


Ce 28. — Tu te ressentiras de tous mes ennuis,