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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/45

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un gros bâtiment qui me porte, je crois, pour plus de vingt mille francs d’effets et même de tes nouvelles. Adieu.


Ce 1er février. — Je suis un peu plus à mon aise aujourd’hui, ma jolie femme ; le retour de ce petit Villeneuve, dont j’étais inquiet, m’a remis du baume dans le sang. Je vois d’ailleurs mes travaux qui vont bientôt commencer ; les choses prennent un commencement de forme, comme les tableaux qui commencent par être de petits monstres et qui finissent par être de petits chefs-d’œuvre. Il faut être bien réduit du côté des satisfactions pour se faire une fête d’aller au Sénégal ; c’est pourtant là où j’en suis. Mais ce qui m’occupe le plus, c’est l’idée de voir cette jolie, jolie figure qui prie pour mon retour et qui finira par être exaucée, car qu’est-ce que le ciel et la terre ont à refuser à ton âme, à ton esprit et à ton visage ? Je suis obligé de te laisser beaucoup plus tôt que je ne voudrais et je vais même fermer ce paquet-ci pour le remettre à un bâtiment marchand qui n’attend que mon arrivée au Sénégal pour mettre à la voile. Je t’écrirai encore de ma route, mais de petites lignes, car tu ne peux pas te représenter les incommodités et les fatigues que je vais essuyer. J’aurai quatre chameaux et huit chevaux pour environ vingt-cinq hommes, et nous sommes à peine sûrs de pouvoir abreuver tout cela. Quant à la nourriture, il n’en faut pas parler. Adieu, donc.


Ce 2. — Je pars décidément demain. J’irais à pied, j’irais sur ma tête, ne fût-ce que pour me soustraire aux difficultés intarissables et aux contradictions toujours renaissantes et surtout aux importu-