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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/48

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rougis après, mais la lenteur est pour moi l’image de la mort et tout ce qui retarde mon mouvement me semble en vouloir à ma vie. Tu n’es pas avec moi pour m’arrêter, pour m’adoucir, pour me gronder, pour me ramener, car tu me fais tout ce bien-là sans compter le reste.


Ce 5. — J’ai repassé par ce charmant village dont je t’ai, je crois, fait le portrait l’année passée[1]. Je lui ai trouvé les mêmes charmes et je t’ai désirée de nouveau à mes côtés pour jouir de tes jolies exclamations et de ces ravissements que je ne connais qu’à toi seule et qui me donnent tant d’envie de les exciter. Hélas ! l’âge de l’enthousiasme passe chez moi, je n’en ai plus que pour toi, mais je jouis du tien ; j’admire par tes yeux et je sens par ton âme ; aussi je t’appelle toujours en esprit pour te montrer tout ce que j’aperçois et il me semble te mener à mes côtés.


Ce 6. — Nous éprouvons une fatigue monotone et une température variée, car pour trouver le chemin battu par la mer nous sommes obligés de prendre certaines heures du flux et du reflux, qui nous font éprouver tantôt les rayons du midi tantôt le serein de la nuit. Mais jusqu’ici personne n’est malade, et jusqu’au petit Marcel et à l’abbé Charbonnier, tout est plein de force et de courage. Où es-tu pour dessiner notre caravane ? Je la regarde quelquefois passer et si tu veux la bien voir tu n’as qu’à chercher dans les œuvres de Calot et d’Israël. Je me

  1. Cette description se trouve, en effet, dans le livre de MM. de Magnieu et Prat, p. 478.