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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/62

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rerait point, ni moi non plus. Par bonheur que l’objet en totalité est d’une petite conséquence, que ce pauvre homme n’a ni l’esprit ni la volonté de tromper, que ses erreurs sont au moins autant à sa charge qu’à son profit. Ainsi, je prendrai le parti de trancher tout ce que je ne pourrai dénouer. Je voudrais pouvoir en faire autant de tout ce qui me retient loin de toi.


Ce 11. — Toujours dans ce maudit comptoir, où je reçois impertinence sur impertinence de la part des gens du pays, qui sont entièrement vendus à l’Angleterre et qui nous voient d’un œil anglais. Je suis obligé d’oublier que je suis moi et de penser que ce sont les autres qu’on offense en moi et que ce serait encore eux à qui je ferais du mal en me vengeant. C’est une double condamnation pour moi que d’être condamné à souffrir et même à souffrir patiemment. Quand nous nous reverrons et que tu me taquineras, je me dédommagerai bien de toute cette contrainte-là ; je dépouillerai l’homme d’État, je me montrerai tel que je suis, et tu verras, tu verras… Adieu, je t’aime, je t’embrasse et je te serre dans mes bras comme si c’était ta jolie petite personne au lieu de n’être que ton idée.


Ce 12. — Voilà nos affaires à peu près en règle ; il ne nous manque plus que du vent pour sortir d’ici, car je commence à m’y ennuyer encore un peu plus que dans tout le reste de l’Afrique, mais les vents d’est, qui nous ont brûlés jusqu’à présent, cessent de souffler au moment où ils deviennent nécessaires et les bâtiments de force, comme celui-ci, ne peuvent ni aller à la rame, ni louvoyer dans une rivière, parce que