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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/68

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si bien mérités. J’ai cependant rétabli en partie la considération du nom français et j’espère que ceux qui viendront après moi seront un peu plus respectés. Voilà la marche des choses : on ne travaille que pour d’autres et les autres encore pour d’autres, en sorte que tout le monde a la peine et personne le profit. Vienne l’instant qui nous rejoindra, nous travaillerons pour nous, s’il plaît à Dieu.


Ce 25. — Nous serons tout à l’heure en pleine mer et les vents qui jusqu’ici nous ont été si contraires deviendront très bons pour le reste de mes opérations. Nous avons pris le parti de ne plus écouter le pilote nègre que nous avions pris pour nous conduire ; cet homme a fait échouer l’année passée M. de Brach dans cette même rivière : il nous en avait fait dépasser l’entrée à notre arrivée, il perdait la tête à tout moment d’inquiétude et d’ignorance et si nous l’avions écouté, nous serions encore à attendre des vents qui ne souffleront peut-être pas d’un mois. Je ne veux pas de cet homme-là sur le vaisseau qui me ramènera ; j’implorerai le dieu des tempêtes et je le prierai de m’envoyer à toi sur les ailes noires de ses plus fougueux ministres. Je veux que le vaisseau lui-même soit animé de mon impatience, qu’il mette pilote et matelots en déroute, qu’il suive sa marche comme une flèche et qu’il vienne se pulvériser contre le rivage, à moins qu’il n’aime mieux entrer dans la Manche, de là dans la Seine, labourant les vases, renversant les ponts et ne s’arrêtant qu’environ vingt pas du bac des Invalides dans un moment où tu te promènerais aux Champs-Élysées. La nouveauté du spectacle, jointe à un certain instinct, te ferait accourir avec Galaor, qui me sert