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Page:Boulain - Raz de Sein, 1893.djvu/37

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monographie

quemment. Il faut du courage, de l’énergie pour arriver de si loin, dans une chaloupe de quelques mètres, d’un tonnage si léger, avec une famille de femmes, de jeunes filles et d’enfants. C’est le cas d’appliquer ces vers d’Horace :

Illi robur, æs triplex
Circà pectus erat.

Se mettront-ils en grève quelquefois ? Oh non ! ce n’est pas pour l’amour de la mer, de la danse sur les flots bleus qu’ils entreprennent ce trajet. Ils ne viennent pas réclamer, comme ces ouvriers favorisés de nos usines, que l’on plaint tant et qui sont plus rémunérés que tant de fonctionnaires besoigneux, tant de braves cultivateurs honnêtes et économes, des journées de trois huit ; huit heures de travail, huit heures de sommeil, huit heures de repos. Non, ces braves marins sont chrétiens, ils savent comme l’on dit en Angleterre, « struggle for life, » la lutte pour la vie, ils savent qu’il ne suffit pas de dire à Dieu, « donnez-nous aujourd’hui le pain quotidien, » ils doivent l’obtenir par un labeur pénible et dangereux. Comme leurs frères qui vont affronter la mort sur les mers d’Islande, qui les déciment chaque année, l’année suivante les plus jeunes prennent leur place ; il faut gagner du pain aux veuves de leurs aînés et aux orphelins qu’ils ont laissés !