Page:Bourdaret - En Corée.djvu/104

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dinaire. On l’invoqua jadis pour protéger le pays contre les invasions mongoles, et il fit des miracles. Sa renommée était telle qu’un empereur de Chine envoya un ministre en Corée pour faire des sacrifices aux montagnes, et la prière qu’il lut, célébrait en termes pompeux la puissance du Sane-Sine.

La Corée étant un pays montagneux, on comprend aisément l’importante influence que ces esprits des montagnes ont exercée sur l’homme qui les parcourt depuis sa plus tendre enfance. Il y entend des bruits bizarres, s’étonne de la forme de certaines collines, de ces blocs de rochers qui restent comme suspendus dans les airs ou reposent en équilibre presque instable, sur de longues aiguilles de roc, comme si un géant les avait placés là. Il entend l’esprit qui parle, lui ordonne telle ou telle chose. Le silence mystérieux de la montagne a captivé son imagination naïve ; il la craint parce qu’il ne la comprend pas. Il suppose qu’elle engendre des hommes d’une bravoure et d’une force extraordinaires, et il la peuple d’esprits et de démons. Le plus important, celui auquel il pense toujours quand il est dans la forêt, c’est le Sane-Sine.

Le Sane-Sine réside sur les flancs de la montagne, il erre partout à la recherche des villageois qui viennent couper du bois ou cultiver leur lopin de terre. Ceux-ci craignent de l’offenser quand ils viennent ramasser le bois mort, et s’ils se coupent avec leur serpette, ou font une chute, ils pensent que c’est le Sane-Sine qui se venge, parce qu’ils n’ont pas ramassé ce bois mort avec le respect voulu. Quand ils se réunissent pour le repas dans la forêt, ils ne manquent jamais de jeter la première cuillère de riz