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Page:Bourdaret - En Corée.djvu/389

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dant ce temps je vais errer le long de la vieille muraille, bâtie en pierre et en chaux, dont les sinuosités remarquables suivent le terrain accidenté de cette partie de la côte. Quelques jonques passent devant Tchei-moul pour gagner l’embouchure du Hane-kang et remonter jusqu’à Seoul. Dans la nuit tombante se dessinent leurs voiles blanches et jaunes, formées de petits carrés de toile cousus et maintenus par des bambous. Elles disparaissent à nos yeux, et je m’oublie à contempler le spectacle de ces murs ruinés si pittoresquement perchés avec leurs fortins, tantôt longeant les mamelons, tantôt s’enfonçant dans les petites vallées. Ma rêverie ne vient pas de ce que j’ai l’estomac dans les talons, mais de l’impression d’un « déjà vu ». Enfin il me semble que — sans avoir recours à l’intervention d’une précédente incarnation dans la peau d’un guerrier ou d’un pirate de la mer Jaune — cette impression est plutôt un souvenir d’enfance, des images d’Épinal, des illustrations des contes de fées avec leurs merveilleux châteaux et leurs murs crénelés peuplés de guerriers courageux et de fées puissantes qui ont tant fait vagabonder nos imaginations enfantines.

Bientôt mes Coréens étant lestés, nous gagnons la ville à travers la plaine bien cultivée en rizières dont nous voyons, à la nuit tombante, les nappes d’eau claire. La distance depuis le port est de quatre kilomètres et demi environ. À sept heures, nous sommes à la porte du Sud de Kang-hoa. Là, nous trouvons à nous loger chez un marchand de vin qui nous cède sa meilleure chambre, celle où la maîtresse du logis trône et distribue à ses nombreux clients de la garnison et du voisinage les petites