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Page:Bourget - Le Disciple.djvu/136

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LE DISCIPLE

sais, en accompagnant cette dernière aux offices des Minimes, comme jadis aux Capucins, sur la pauvreté d’esprit des dévotes qui se pressaient à la messe le dimanche matin, et marmonnaient leurs prières dans le silence de la cérémonie, coupé du bruit des chaises déplacées par la loueuse. Dans ces fronts qui se baissaient avec un mouvement de ferveur soumise, à l’Élévation, jamais une idée vive et claire n’avait allumé sa flamme. Je ne me formulais pas ce contraste avec cette netteté, mais j’évoquais, malgré moi, en regard, l’image de ces jeunes maîtres sortant du lycée d’un pied dégagé, causant les uns avec les autres d’une conversation que j’imaginais pareille à celles que mon père tenait autrefois, où les moindres phrases se chargeaient de science, et un esprit de doute grandissait en moi sur la valeur intellectuelle des croyances catholiques. Cette défiance fut alimentée par une espèce d’ambition naïve qui me faisait souhaiter, avec une ardeur incroyable, d’être aussi intelligent que les plus intelligents, de ne pas végéter parmi ceux du second ordre. Il entrait bien de l’orgueil dans ce désir, je me l’avoue aujourd’hui, mais je ne rougis pas de cet orgueil. Il était tout intellectuel, entièrement étranger à une convoitise quelconque du succès extérieur. Et puis, si je me tiens encore debout à l’heure présente, et dans l’affreux drame de ma destinée,