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Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/111

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faisait obscur, de sorte que je fus forcé de m’asseoir sur le derrière d’un affût pour me reposer, et aussi tâcher de voir de quel côté je devais prendre.

Dans cette situation pénible, mon fusil entre les jambes, la tête appuyée dans les deux mains, au moment où j’allais, pour mon malheur, m’endormir probablement pour toujours, j’entendis des sons extraordinaires. Je me relevai, tout saisi en pensant au danger que je venais de courir en me laissant aller au sommeil. Ensuite, je prêtai mon attention afin de voir de quelle direction venaient les sons, mais je n’entendis plus rien. Alors je crus avoir rêvé, ou que c’était un avertissement du Ciel pour me sauver. Aussitôt, reprenant courage, je me mis à marcher à tâtons et à enjamber au hasard les obstacles sans nombre qui se trouvaient sur mon passage.

Enfin étant parvenu, non sans risquer plusieurs fois de me casser les jambes, à laisser derrière moi tout ce qui s’opposait à mon passage, je me reposais un instant pour reprendre haleine, afin de pouvoir gravir la pente opposée, lorsque le même bruit qui m’avait éveillé, me fit de nouveau lever la tête. Mais ce que j’entends, c’est de l’harmonie ! Ce sont les sons graves de l’orgue, encore éloignés et qui font, sur moi, à cette heure de la nuit, seul et dans un pareil endroit, une impression que je ne saurais définir. Aussitôt je marche, doublant le pas, dans la direction d’où viennent ces sons. En un moment, je suis sorti du fond où j’étais retenu. Arrivé en haut, je fais encore quelques pas et j’arrête ; il était temps ! Encore quelques pas et c’était fini de moi ! Je tombais du haut en bas du rempart, à plus de cinquante pieds de hauteur, sur le bord du Boristhène où, fort heureusement, j’avais aperçu le feu d’un bivac qui m’avait fait arrêter.

Épouvanté du danger que je venais de courir, je reculai de quelques pas et j’arrêtai encore pour écouter, mais je n’entendis plus rien. Je me remis à marcher et, tournant à gauche, en un instant j’eus le bonheur de retrouver le chemin frayé. Je continuai à avancer, mais lentement et avec précaution, la tête haute, toujours en prêtant l’oreille, mais, n’entendant plus rien, je finis par me persuader que c’était l’effet de mon imagination frappée, car, dans la position