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Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/120

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quatre hommes de la Garde, morts pendant la nuit, et dont l’officier de poste avait empêché qu’on les dépouillât ; il nous dit aussi que, dans son corps de garde, il y en avait encore deux qu’il croyait de la Garde ; nous y entrâmes pour les voir ; ils étaient sans connaissance : le premier était un chasseur, le second, qui avait la figure cachée avec un mouchoir, était de notre régiment. Grangier, lui ayant découvert la figure, fut on ne peut plus surpris en reconnaissant celui qu’il cherchait. Nous nous empressâmes, comme nous pûmes, de le secourir ; nous lui ôtâmes son sabre et sa giberne qu’il avait encore sur lui, ainsi que son col, et nous tachâmes de lui faire avaler quelques gouttes d’eau-de-vie ; il ouvrit les yeux sans nous reconnaître et, un instant après, il expira dans mes bras. Nous ouvrîmes son sac ; nous y trouvâmes une montre, ainsi que différents petits objets que Grangier renferma afin de les envoyer comme souvenir à sa famille, s’il avait le bonheur de revoir la France, car il était du même endroit que lui ; tant qu’au chasseur, après l’avoir mis dans la meilleure position possible, nous l’abandonnâmes à sa malheureuse destinée. Que pouvions-nous faire ?

Grangier me conduisit à son poste ; un instant après, il fut relevé par les chasseurs ; avant de partir, nous n’oubliâmes pas de leur recommander l’homme de leur régiment que nous venions de quitter. Le sergent envoya de suite quatre hommes pour le prendre : il sera probablement mort en arrivant, car tous ceux qui se trouvaient dans cette position mouraient de suite, comme s’ils eussent été asphyxiés.

Nous retournâmes au régiment, où nous passâmes le reste de la journée à mettre nos armes en bon état, à nous chauffer et à causer. Pendant la journée, nous tuâmes plusieurs chevaux que nos hommes nous amenèrent et que nous partageâmes ; l’on fit aussi une petite distribution de farine de seigle et d’un peu de gruau, dans lequel se trouvaient presque autant de paille et de grains de seigle.

Le lendemain, à quatre heures du matin, l’on nous fit prendre les armes pour nous porter en avant à un quart de lieue de la ville, où, malgré un froid rigoureux, nous restâmes en bataille jusqu’au grand jour. Les jours suivants,