Aller au contenu

Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Enfin, la misère de mon vieux camarade ne commençait à compter que du moment où j’étais avec lui.

Picart me dit que l’individu qui se trouvait couché à notre feu, avait été blessé, hier, par des lanciers polonais, dans une attaque qui eut lieu à trois heures après midi. Voici ce qu’il me conta :

« Plus de 600 Cosaques, et d’autre cavalerie, sont venus pour attaquer notre convoi, mais ils furent mal reçus, car nous étant abrités avec nos voitures formant un carré autour de nous, sur la route qui est très large en cet endroit, nous les laissâmes avancer assez près, de sorte qu’à la première décharge, onze restèrent morts sur la neige. Un plus grand nombre fut blessé et emporté par leurs chevaux. Ils se sauvèrent, mais furent rencontrés par des lanciers polonais faisant partie du corps que commandait le général Dombrowski[1], qui achevèrent de les mettre en déroute ; celui qui est là, couché, et qui a un coup de sabre sur la frimousse, a été ramené prisonnier par eux, ainsi que plusieurs autres, mais je ne sais pas pourquoi ils l’ont abandonné. » Je lui dis que c’était probablement parce qu’il avait une balle qui lui traversait le corps, et puis, que faire des prisonniers, puisque l’on n’avait rien pour les nourrir ?

« Après le hourra dont je viens de vous parler, continua Picart, il y a eu un peu de confusion. Tous ceux qui conduisaient les voitures pour traverser le défilé qui se trouve un peu avant d’arriver à la forêt, voulaient passer les premiers pour arriver le plus vite possible dans le bois, afin d’être à l’abri d’un coup de main. Une partie des équipages que j’accompagnais, pensant bien faire, espérant trouver plus haut un passage qui, probablement, n’existe pas, prit sur la gauche en marchant sur le bord du fond où nous sommes, mais la neige cachait une crevasse qui se trouvait sur notre passage, de manière que le premier caisson fit la culbute, et roula en faisant un demi-tour, avec les deux cognias[2], dans l’endroit où nous sommes. Le reste des équi-

  1. Le corps que commandait le général Dombrowski, qui était un Polonais n’était pas venu jusqu’à Moscou, il était reste en Lithuanie ; il marchait, dans ce moment, sur Borisow, pour empêcher les Russes de s’emparer du pont de la Bérézina. (Note de l’auteur.)
  2. Cognia, en polonais comme en russe, veut dire cheval. (Note de l’auteur.)